Diffi­cile d’entendre la gronde en ce jeu­di midi. Place de la République (10e arrondisse­ment de Paris), les lycéens et étu­di­ants qui s’agglutinent peu à peu ne sem­blent pas déranger grand monde. La dizaine de ska­teurs présente con­tin­ue de lou­voy­er entre les man­i­fes­tants. L’odeur qui émane des mer­guez et sauciss­es gril­lées invite davan­tage au bar­be­cue, en ce début d’après-midi ensoleil­lé, qu’à la manifestation.

 

Pour la sec­onde fois, après le 9 mars, la jeunesse s’est rassem­blée dans la rue pour affich­er son oppo­si­tion au pro­jet de la « loi tra­vail », porté par Myr­i­am El Khom­ri. Dans la mat­inée, une quin­zaine de lycées parisiens avait été bloquée.

Pour l’occasion, cer­taines for­ma­tions poli­tiques affichent fière­ment leurs ban­nières dans le cortège, d’Europe Ecolo­gie – les Verts au Front de Gauche en pas­sant par le Nou­veau par­ti ant­i­cap­i­tal­iste. « Nous sommes apoli­tiques et indépen­dants, prévient d’emblée Zoïa Guschlbauer, prési­dente de la Fédéra­tion indépen­dante et démoc­ra­tique lycéenne (FIDL). Nous ne représen­tons que les lycéens. Main­tenant, si les gens veu­lent venir, je n’y vois aucun inconvénient. »

Le mes­sage est bien rodé. Son homo­logue de l’Union nationale lycéenne (UNL), Samya Mok­thar, reprend son souf­fle après avoir remon­té tout le cortège, puis abonde : « C’est une mobil­i­sa­tion pure­ment, et avant tout, syn­di­cale. Nos organ­i­sa­tions sont aparti­santes (sic), même si tout acte de ce type a une portée poli­tique. Aujourd’hui, il n’y a rien de choquant à voir que toutes les par­ties de la société se révoltent dans le même but. »

A chaque grande mobil­i­sa­tion, ces jeunes, lycéens ou étu­di­ants, décou­vrent la scène médi­a­tique. Et poli­tique. Ces farouch­es défenseurs de leur indépen­dance finis­sent bien sou­vent par s’encarter. Julien Dray, Razzy Ham­ma­di ou Bruno Jul­liard… Tous se sont révélés dans ces sit­u­a­tions. Benoît Hamon, engagé à 19 ans con­tre le pro­jet de loi Deva­quet en 1986, est même devenu ministre.

Mes opin­ions poli­tiques, je les garde pour moi. Mais, sou­vent, la jeunesse qui s’engage est plus de gaucheZoïa Guschlbauer, prési­dente d’une organ­i­sa­tion syn­di­cale lycéenne

Le pro­fil du lycéen engagé plaît au poli­tique. La fonc­tion a tout du trem­plin idéal pour une car­rière dans ce domaine. « Moi je suis apoli­tique, promet Zoïa Guschlbauer, 17 ans. Mes opin­ions poli­tiques, je les garde pour moi. Mais, sou­vent, la jeunesse qui s’engage est plus de gauche. »

Le pas est assuré. Direc­tion la place de la Nation (12e arrondisse­ment). Comme chez les « grands », une petite équipe assure un cor­don de sécu­rité autour de la tête du cortège. Les pontes des organ­i­sa­tions syn­di­cales étu­di­antes sont tous regroupés, unis der­rière la même ban­de­role. Une jeune femme se charge même d’orienter les jour­nal­istes vers eux pour les inter­views. Et de les clore aus­si. Aparti­sans et apoli­tiques, ces syn­diqués lycéens ont pour­tant, déjà, presque tous les codes de leurs aînés.

Crédits pho­to et vidéo : Paul Giudici